Je me permets de présenter les résultats partiels d'une longue recherche suivie d'une inventaire succin sur le terrain . Ceux-ci concerneront le Maroc, pays à la myrmécofaune riche puisqu'elle comporte 214 espèces au dernier recensement. Une telle diversité d'espèce n'est possible que par la multitude de biotopes présents dans le pays : de la côte méditerranéenne, à la myrmécofaune proche de celle de la péninsule ibérique, en passant par la côte atlantique, le moyen puis haut Atlas, et enfin la porte du désert : il y a de quoi faire.
Ça vous intéresse ? Bien, continuez la lecture.
Entrons dans le vif du sujet, donc, avec l’inventaire le plus à jour des espèces de vos voisins d'Outre-Mer établi par Cagniant (2006), que vous trouverez ici : http://www.antwiki.net/wiki/images/d/df ... t_2006.pdf
De plus amples informations me sont disponibles via la thèse de Gérad Délye (1968), concernant les zones plus proches de la bordure Saharienne, dont je ne ferai qu'un partage très partiel pour des raisons évidentes :
les espèces présentes dans le Sahara à proprement parler :
Tableau d'essaimages des espèces Sahariennes
La mission scientifique s'est centrée sur deux zones : Le parc national d'Ifrane au Moyen Atlas, et les alentours de Ouarzazate. Si le but de ma présence sur place n'était pas un échantillonnage dans les règle de l'art, j'ai pu observer les espèces les plus couramment rencontrées. Malheureusement, j'ai bien peur d'être carrément radin en photos sur ce coup ci. La raison en est simple : une panne d'appareil au début du séjour ne m'aura pas permis de photographier les espèces rencontrées comme je l'aurais voulu. Qu'a cela ne tienne, l'information y sera pour ceux qui la cherche !
Situé a 1800 mètres d'altitudes, cette gigantesque forêt de cèdres centenaires parsemée de clairières et entourée de steppes offre un paysage se passant de mots. Il s'agit d'une des dernières du genre au Maroc, et l'un des rares endroit ou l'on peut encore apercevoir de petites troupes de Macaques de Barbarie en liberté s’épouillant gaiement sans la moindre peur de l'Homme. Il faut dire, s'agissant de l'attraction locale, ils ont appris depuis longtemps à se faire engraisser par les nombreux touristes plutôt que de les fuir, ce qui représente un problème établi pour leur capacité de survie à l'état naturel. Mais passons.
Situé assez haut en altitude, le plateau de récolte bénéficie d'un climat typiquement chaud en été mais aussi très rude l'hiver. Si lors de la période de récolte début Mai, nous avons été gratifié d'une canicule apportant 40°C à l'ombre, il est très fréquent d'après les locaux (un tantinet Marseillais) d'observer des couches persistantes de plus de 30 cm de neige à la mauvaise saison. Le terrain lui même est fortement calcaire.
1) Les clairières sont parsemées pierres fortement exposées et d'une végétation rase dont seul les euphorbes ne sont pas dévorées par les chèvres. Au sol, deux espèces sont largement dominantes. La première est Camponotus cruentatus var. lindbergi, espèce terricole nichant sous les nombreuses pierre. Impossible de les rater, de par leur taille et leur nombre : il y en a absolument partout. De nombreux cocons de sexués présent au mois de Mai, indiquant probablement un essaimage dans le même créneau horaire que la sous espèce française. La seconde est Cataglyphis mauritanica. L'espèce est fortement polygyne, les colonies populeuses de quelques milliers d'ouvrières et se reproduit par bouturage. Active aux heures chaudes de la journée, elle cherche les cadavres d'autres insectes ayant sucombés au stress thermique.
Dans ce biotope ont également été observées :
- Cataglyphis cubica
- Aphaenogaster cf senilis
- Camponotus foreli
- Bajcaridris theryi
- Tetramorium biskrense, en pleine période d'essaimage (Mai 2015)
- Messor abdelazizi
- Messor capitatus
2) Le sous bois plus ombrage abrite une myrmécofaune différente. Sur les arbres, Crematogaster cf scutellaris et Camponotus fallax sont nombreuses. Au sol, Camponotus alii dont les larves de sexués arrivent à maturité (Mai 2015), Camponotus cf lateralis et Plagiolepis maura nichent sous les pierres et le bois mort.
Ouarzazate est la dernière ville d'importance avant le grand désert Saharien. Située au sud de la chaine du haut Atlas, la région est sujette à un climat franchement désertique. Intenable l'été, chaud l'hiver, de la caillasse à perte de vue si ce n'est pour les rares oasis le long de la vallée du Draa. Le tout n'est pas sans charme.
1) Dans la villes et ses alentours, on note une forte présence de Monomorium salomonis et Pheidole pallidula, toutes deux également en pleine période d'essaimage (fin Mai 2015). De nombreuses Tapinoma sp. forment de longue files jours et nuits sur les dallages de la ville. L'oeil averti remarquera aussi la présence d'une Camponotus sp. nocturne de taille moyenne dont l'identification m'est hasardeuse, appartenant probablement au groupe alii (major +/- 12 mm). De nombreux sexués matures sont présent à l'intérieur des nids, essaimage imminents (Mai 2015).
Enfin, de nombreux nids de Cataglyphis bicolor sont présents en zone semis-urbaines et rurales, dont les essaimages battent leur plein. Cependant, leur système de reproduction est mal connu. Seuls les mâles semblent prendre leur envol, tandis que des reines désailées mais jamais aperçues à l'entrée des nids courent rapidement sur le sol. Camponotus thoracicus est aperçue uniquement de nuit fourageant dans les zones urbaines.
2) Les dunes de Zagora, dans la vallée du Draa, sont les premières dunes du désert Saharien. Sous le soleil de midi, la seule espèce visible est Cataglyphis bombycina. Les ouvrières courent rapidement sur le sable à la recherche d'insectes morts. Les nids sont situés uniquement dans le sable et zones sablonneuses en général, jamais dans la pleine terre. L'espèce est monogyne, de nombreux sexués matures sont présents dans les nids. Essaimages imminents (Mai 2015).
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Au fur et a mesure que le soleil se couchent, la Camponotus sp. reprise plus haut ainsi que C. thoracicus sortent également de leur nids à l'intérieur des dunes de sables. Messor minor est également aperçue dans le même biotope.
Le mot de fin
Ceci conclu la mission scientifique au Maroc ainsi que le compte rendu des nombreuses espèces rencontrées. Si je regrette l'absence de photos plus complètes, Mai semble être une période idéale pour rencontre les fourmis de la région est assister à quelques beaux essaimages. De nombreuses autres espèces doivent également être présentes dans les régions visitées, que je n'aurais pas eu le temps ou la minutie d'identifier. Le Maroc n'en reste pas moins un pays magnifique à la myrmécofaune variée. J'espère comme toujours, que l'information vous sera utile, pour votre myrmécoculture générale ou pour répondre à vos interrogations estivales.
Enfin, pour ceux qui voudraient en savoir plus :
Le genre Camponotus au Maroc : http://www.antwiki.net/wiki/images/8/8f ... _1996b.pdf
Le genre Messor au Maroc : http://www.antwiki.org/wiki/images/4/45 ... r_1998.pdf
Le genre catglyphis au Maroc : http://antarea.fr/forum/download/file.p ... 51a14ea22c