Comme à mon habitude, je vous propose une bref inventaire réalisé lors d'un de ces voyages que l'on ne réalise que trop peu souvent. Celui-ci concernera donc Belle-Ile-en-Mer, la plus grande île du Ponant. Située dans le Morbihan (56) à une dizaine de cliques des cotes, une forme de haricot pour 15 kilomètres de long pour 7 de large, environ.
Quoi de spécial avec cette ile, me direz vous ? Et bien, outre le fait que ce soit très joli, Belle-ile est bercée par le gulf stream et sujette à un microclimat particulièrement clément pour la région. A en croire les guide touristiques, les gelées comme les canicules y sont rares, si pas quasi-absentes. Ceci permet à une végétation parfois méditerranéenne de s'implanter durablement. Les hivers sont très doux, il y pleut moins que sur le continent. Juillet et Aout sont d'ailleurs considérés comme "saison sèche", à juste titre. Enfin, avec plus de 2000 heures d'ensoleillement par an, l'ile pourrait se trouver 1000 bornes plus au sud que cela n'étonnerait personne. Vous vous en douterez donc, il s'agit d'une destination très en vogue assaille de touristes de toutes contrées et horizons durant la belle saison. Le local est d'ailleurs le modèle du paradoxe Breton : la haine qu'il porte au vacancier hollandais n'est égalée que par sa nécessite pour la survie de l'île. Le tourisme représente la part majoritaire des revenus du coin.
Bref, c'est joli et y fait plus beau la que sur le contient. Cela a il un impact sur la myrmécofaune ? Oui monsieur. Ayant eu plus de temps qu'a l'accoutumée, un inventaire un peu plus poussé fut réalisé. A l'aide d'un fidèle zoomoscope de terrain, des identification plus détaillées, aussi. Venons en au vif du sujet. Dans un soucis de clarté, il faut séparer l'île en plusieurs zones, que je définirais comme il suit :
- La zone centrale de l'ile, principalement rurale
- Les hauts de falaise
- Les landes
- Les zones urbanisées
La zone centrale et rurale de l'île
Le centre de l'ile est principalement occupé par des zones agricoles, des terrains vagues, des pâturages, et bien évidemment plein de petits villages mignons. La myrmécofaune qu'on n'y retrouve n'est pas différente de ce que l'on retrouverait sur le continent. En ce début de mois de Septembre, les deniers essaimages massifs de l'été ont donné lieu à une observation facilitée. Voyons plutôt.
Jour d’arrivée, c'était le dawa dans les jardins. Essaimages en vrac de Lasius niger, Lasius flavus, Lasius emarginatus, Tetramorium sp., Myrmica rubra, Solenopsis fugax. Ces espèces très classiques à l'identique du continent sont comme attendu assez abondantes sur l'ile tout milieux confondus, bien que leur importance relative varie.
En parcourant un peu plus les sentiers ruraux, on découvre quelques autres espèces toujours classiques du continent. Lasius fuliginosus est bien présente, ainsi que de nombreux nid de Formica pratensis.
Les hauts de falaises
Ces zones se retrouvent comme leur nom l'indique, en haut des falaises littorales découpées de l'île. Paraitrait-il que ce sont des zones d'un grand intérêt botanique. Un naturaliste averti y trouverait probablement sont bonheur en espèces rares et mystérieuses. Quoi qu'il en soit, ce sont des zones protégées, pas question de s’éloigner du sentier, la végétation y est sensible aux piétinements.
Ces zones sont peuplées d'un grand nombre de Lasius sp. noires, et de Tetramorium sp. Cependant, de légers changement apparaissent par rapport au centre de l'île. Beaucoup de Tapinoma erraticum et de Formica cunicularia courent un peu partout. Avec de bons yeux, on notera quelques colonnes de Plagiolepis taurica, qu'il n'est pas facile de photographier (vous m'en pardonnerez, c'en est bien une).
Enfin, le plus étonnant est la rare présence d'un mythe. Que dis-je, d'un monstre sacré, d'une légende de la myrmécologie, j'ai nommé... La Messor capitatus bretonne. Dans ce biotope les nids sont rares et éparpillés, mais bien présents. Une petite video pour faire le tour d'horizon. Si un nid de Messor capitatus n'a rien d'étonnant, c'est bien de la zone allant autour et visible sur la video qu'il faut s'étonner. Personne ne s'attendrait à observer une Messor dans un endroit pareil... Et bien si.
Les landes
Les landes se trouvent également aux abords des falaises, et représentent un écosystème bien particulier. Une végétation rase et piquantes pousse sur des massifs secs et caillouteux. Une zone très thermophile, caractéristique ayant un grand impact sur les espèces qu'on peut y retrouver. Voyons plutôt.
Si les espèces citées précédemment s'y trouvent toujours, les nids de Messor capitatus s'y font beaucoup plus nombreux. Pour peu que l'on dérange un gros cailloux (que l'on prendra bien soin de remettre à sa place), la probabilité est bonne d'y trouver une grosse colonie. Les greniers à fleur de sol se dévoilent, les majors mordent, et en ce début septembre des sexués prêts au vol nuptial patientent sous terre. Malheureusement, le temps absolument radieux de mon séjour ne m'aura pas permis d'observer les dits essaimages, tristesse et déception... Pauvre moi.
D'autres espèces que l'on ne s'attendrait à priori pas à retrouver dans cette région sont présentes. Ainsi, la lande abrite de belles populations de Camponotus aethiops et d'Aphaenogaster gibbosa (que j'ai du ramener pour quelques clichés décents : une mauvaise incidence, et on à fait fait de confondre avec Messor capitatus). De tous les milieux, la lande est celui qui présente donc le caractère le plus méditerranéen d'un point de vue myrmécologique.
Les zones urbaines
Ces zones concernent le centre des plus gros villages, ainsi que Le Palais, plus grosse vile de l'île. Le Palais fut d'ailleurs lourdement fortifiée en tant que place stratégique au cours de l'histoire, notamment par Vauban qui y fit rénover une imposante citadelle. Un long mur d'enceinte entoure également la ville, perdu dans la végétation et accessible au public.
Je prends la peine d'en parler pour une bonne raison. Si la myrmécofaune qu'on y retrouve est typique de ce qu'on s'attendrait dans une petite ville bretonne (Lasius sp., tetramorium sp., Solenopsis fugax, ect), la présence y est notable et abondante de Monomorium monomorium. L'espèce nidifie entre et sous les pierres bien exposées qui abondent, fortifications obligent. Une citadelle ensoleillée est pour elles, un vrai lieu de paradis. De longues colonnes d'ouvrières fourragent un peu partout. Les nids sont populeux et polygynes. Une petite video au pied de la citadelle d'une colonie légèrement dérange vaudra mieux qu'un long discourt.
Monomorium monomorium est endémique au bassin méditerranéen, et présente en région PACA. Probablement introduite par le commerce, elle profite du micro climat de l'île et des zones urbaines pour s'étendre. Ne frétiller pas du palpitant, celle-ci diffère de sa peste de cousine par le fait qu'on ne la retrouve pas plus qu'une autre espèce à l'intérieur des habitations. Elle prolifère tranquillement dehors comme elle le ferait à canne ou à Nice.
Cette présence notable n'avait pas échappé à d'autres myrmecologues professionnels. En 1997, BAUGNEE J.-Y. ; GODEAU J.-F écrivaient déja :
Signalement de Monomorium monomorium Bolton et de quelques autres fourmis à Belle-Ile-en-Mer, en Bretagne (Hymenoptera, Formicidae)Une liste de 11 espèces de Formicidae récoltées sur Belle-Ile (Bretagne) en avril 1997 est dressée et commentée; l'élément le plus remarquable est certainement Monomorium monomorium dont c'est la première observation en dehors de la France méditerranéenne; la présence d'Aphaenogaster gibbosa, espèce essentiel lement calcicole, est également à souligner de même que celles de Messor capitatus et de Camponotus aethiops.
Bulletin de la Société entomologique de France, 2000, vol. 105, no2, pp. 205-208
Le mot de la fin
Ainsi pour clôturer, Il est vrai que j'ai peu de mérite. L'inventaire des espèce de l'île avait déjà été fait longtemps avant que j'y mette les pieds, le micro climat n'échappant pas à l'attention des naturalistes. Cette liste de 11 espèces datée de 1997 comprends :
1 Aphaenogaster gibbosa
2 Messor capitatus
3 Monomorium monomorium
4 Leptothorax unifascaitus
5 Teramorium caespitum
6 Tapinoma erraticum
7 Plagolepis taurica
8 Lasius emarginatus
9 Camponotus aethiops
10 Formica cunicularia
11 Formica pratensis
Ce qui me fait une cote de finale 10/11. Ayant un peu de temps, j'ai également cherché pour d'autres espèces qui auraient potentiellement pu être présentes, comme Camponotus vagus ou Aphaenogaster subterranea, en vain. Baugnée J.-Y. aura donc le dernier mot, je n'aurais fais qu'illustrer un travail déjà réalisé sans apporter d'éléments novateurs.
Merci pour votre lecture, et surement à la prochaine pour de nouvelles aventures.