Voici une ébauche d'un petit sujet qui mijote dans mon esprit depuis quelques temps. Relevant bien plus de la modestie que de l'insulte, l'éleveur compétent est de fait rarement naturaliste accompli (et vice versa). Que cela soit par manque d'intérêt, de temps ou de moyens, le novice (mais aussi moins novice) se creuse souvent la tête sur la répartition de ses espèces locales : comment trouver autre chose que du Lasius niger dans le nord ? Où chercher ? Quand chercher ? Quels sont les détails qui doivent accrocher votre œil et vous dire "oui, ici, c'est un spot intéressant ?" ou à l'inverse vous dire "ici, c'est de la grosse daube". Tant de petites choses qui prennent du temps, de l'expérience, beaucoup de crapahutage. Bref, nous tenterons ici de vous aiguiller, pour votre plus grand plaisir.
Il est important de noter qu'ici, diversité et densité sont des notions clés. Un site peut soutenir une densité importante d'espèces non diverses (les Lasius niger du jardin de grand maman), ou une densité faible d'espèce diverses (c'est assez rare). L'un ne corrèle pas forcément avec l'autre, et bien entendu ce qui nous amuse nous, c'est un site densément peuplé d'espèces en tout genre ! C'est à cette fin que ce topic est crée. Voyons don quels sont les facteurs à considérer, et gardons ici en tête que ce sujet couvrira principalement la région nord de France - Belgique.
1. La quantité d'énergie reçue et emmagasinée au sol
La fourmi est un ectotherme, dont la physiologie est dépendante de la température ambiante. C'est bien la que se trouve le facteur limitant et prépondérant dont il faut comprendre les aspects lorsqu'on se dirige vers le nord. Ces aspects se décomposent en plusieurs sous-points. Je vous invite à ouvrir votre Delachaux, votre Atlas des fourmis de France ou d’Europe, et de jeter un œil aux cartes d'ensoleillement de France en même temps pour en découvrir le premier.
(I) Le nombre d'heures d'ensoleillement à l'année d'une région donnée.
Si cela ne vous avais jamais frappé, cette carte délimite vaguement les zones de répartition de nombreuses espèces qui se caractérisent par un gradient de thermophilie.
- Méditerranéennes strictes (Cataglyphis sp. - C. cruentatus - C. pilicornis - Messor barbarus et autres) : rouge.
- Sudistes mais pas strictement méditerranéennes (Camponotus lateralis - Crematogaster scutellaris - Pheidole pallidula - Messor capitatus et dérivés) : on reste dans le rouge et l'orange.
- Pouvant s'acclimater d'un intermédiaire raisonnable (Camponotus vagus - C. aethiops - C. piceus - Messor structor et compagnie) - On monte jusque dans le rouge - orange - jaune.
- Et enfin, pouvant s'acclimater d'une plus faible quantité d’énergie reçue au sol : les autres espèces qui se retrouvent, au final partout,vert compris.
Coïncidence ? Bien sur que non.
(II) La quantité effective de cette énergie arrivant et retenue au sol
Le soleil brille, c'est très bien. Cela ne veut pas dire que le sol sera lui même bien exposé, ni qu'il retiendra énormément d'énergie thermique.
- L'altitude : sans surprise, au plus c'est haut, au plus c'est froid, est inversement.
- La pente et l'orientation : un peu plus subtil, une pente orientée sud-sud ouest sera exposée au soleil toute la journée avec un angle permettant un ensoleillement optimal. A l'inverse, une pente dirigée nord sera à l'ombre en permanence. L'intermédiaire étant le terrain plat. Si l'on considère que la quantité d’énergie est limitante dans le nord, vous aurez tout intérêt a vous trouver une pente bien orientée.
- La couverture végétale : le soleil peut briller sur cette belle pente au sud du nord (je sais, je m'y perd aussi), si c'est au fin fond d'une foret humide avec ronces et fougères, c'est fichu. A l'inverse, une absence totale de végétation n'est pas bon signe non plus, pour des raisons de ressources. Une couverture végétale légère est idéale.
- Le type de sol : il est prépondérant pour estimer la quantité d’énergie emmagasinée. L'idéal étant un sol rocheux, calcaire, avec une inertie thermique réduite. Ça doit chauffer.
- La perturbation des sols : cela va sans dire, mais un site hautement perturbé (centres urbains/parcs tondus et désherbés/champs de monoculture) est hautement défavorable à la diversité en espèce.
Pour conclure cette introduction : la diversités en espèce de fourmis sera maximale, au nord (zones jaunes/vertes de notre fameuse carte d’ensoleillement), sur les site les plus thermophiles. Pour ceux à l'oreille dure, je parle ici de diversité, faut-il encore le répéter. Oui, il existe des espèces que l'on retrouve au fin fond d'une forêt, elles se comptent sur les doigts d'une main. Cependant, pour maximiser une diversité importante : (i) rechercher du dénivelé bien exposé avec (ii) une couverture végétale légère et (iii) un sol calcaire/rocheux/sablonneux et (iv) pas trop perturbé par l'homme. Ce sont la les meilleurs conseils que je peux donner à mes voisins du nord. Ces critères sont modulables, un site donné peut en posséder un, deux, trois, ou quartes, et sa richesse s'y accordera proportionnellement.
Quelques images à l'exemple de sites présentant ces 4 facteurs :
Le mot de fin : Ceci n'est qu'une introduction générale au sujet. Viendra par la suite, une explication plus détaillée des grands groupes d'espèces que l'on peut rencontrer en fonction du type de milieu, que j'ai soigneusement préparé pour vous en Belgique. Parce qu'au final, c'est surtout cela qui est intéressant !