Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse sociale chez Cataglyphis hispanica.

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DMX
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Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse sociale chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par DMX »

Le service Biologie Evolutive & Ecologie de l'Université libre de Bruxelles, en collaboration avec une équipe de recherche du CSIC de Séville, met à jour pour la première fois un mode de reproduction hybridogène à l'échelle des sociétés, chez une fourmi du désert.

La grande majorité des animaux se reproduisent de manière sexuée, par la fertilisation d'un oeuf par un spermatozoïde. Quelques rares espèces ont toutefois évolué avec des modes de reproduction alternatifs. Parmi ceux-ci, un des plus exceptionnels est sans doute le mécanisme d'hybridogénèse observé chez quelques poissons, phasmes et grenouilles. Chez ces organismes, l'accouplement procède entre mâles et femelles appartenant à des espèces ou à des lignées génétiques différentes. Tous les descendants sont donc des hybrides. Les jeunes femelles sont alors sujettes à un mécanisme génétique obscur. Elles expriment les gènes maternel et paternel dans les cellules somatiques, comme c'est le cas chez les espèces à reproduction sexuée classique. Par contre, elles éliminent les gènes paternels lors de la formation de leurs ovules, de sorte que ces derniers ne portent que les gènes de la mère. En d'autres termes, les filles transmettent exclusivement le génome des femelles dans les générations futures.

Le service Biologie Evolutive & Ecologie dirigé par Serge Aron, Faculté des Sciences, Université libre de Bruxelles, en collaboration avec une équipe de recherches du CSIC de Séville (Espagne) vient de mettre à jour pour la première fois un tel mode de reproduction hybridogène à l'échelle des sociétés, chez une fourmi du désert, Cataglyphis hispanica. A l'instar des autres hyménoptères sociaux (abeilles, guêpes, bourdons), les sociétés de fourmis sont caractérisées par l'existence de deux castes femelles : des reines reproductrices et des ouvrières généralement stériles assurant l'ensemble des tâches nécessaires à l'essor de leur société.

Les chercheurs viennent de montrer par des analyses de génétique des populations que chez cette espèce, les partenaires sexuels appartiennent systématiquement à deux lignées génétiques distinctes et interdépendantes. Les reines produisent alors une descendance ouvrière-stérile d'origine hybride, issue du croisement entre les deux lignées. Par contre, les reines se clonent pour produire des filles fertiles (futures reines). Les fils se développent, eux aussi, à partir d'oeufs non fertilisés, et ils sont de la même lignée génétique que la mère. Par conséquent, seuls les gènes maternels sont transmis d'une génération à l'autre. Cette stratégie de reproduction correspond à une forme d'hybridogenèse sociale, par laquelle les reines utilisent la reproduction sexuée pour assurer la croissance "somatique" de la société (production d'ouvrières) et la reproduction asexuée pour la lignée "germinale" (production des sexués). Une telle stratégie a des implications évolutives considérables...

Cette étude est publiée dans la prestigieuse revue Current Biology du 10 juillet 2012.
Sources :
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cuioki
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par cuioki »

Pour résumé, si j'ai bien compris (car je comprends vite mais faut bien m'expliquer :-) ), les ouvrières sont produites par les gènes purement maternelles, et la reine utilise les gênes du père pour les sexuées ?
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etii
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par etii »

C'est compliqué :
:arrow: les ouvrières sont issues d’œufs fécondés (gènes de la mère et du père) : comme toutes les autres fourmis
:arrow: les princesses sont génétiquement des clones de leur mère
Là où cela se complique c'est que comme les mâles sont issus d’œufs non fécondés, donc si on reprend le premier schéma:
:arrow: les ouvrières sont issues d’œufs fécondés (gène de la mère et gène du père qui sont eux-mêmes des gènes de la mère)
Quel est l'intérêt ?? :think: Surtout d'avoir des mâles ? Est-ce une étape évolutive vers la suppression de la caste mâle ?
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Farorn
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par Farorn »

Oui un peu mais :

=> exact
=> ya
=> ja


=> Les cellules somatiques (toutes celles du corps sauf celle pour la reproduction) possède, comme la plupart des ouvrières (et toi, et moi, et DMX, et tous les organismes diploïdes :-D ), une copie de gène maternelle et une copie de gène paternelle. Bref c'est du 50/50.
=> Les cellules germinales, normalement c'est presque pareil, sauf que les ovules sont haploïdes : on enlève la moitié du génome (on passe de deux exemplaires de chaque chromosome hors sexuel à un seul). Les chromosomes gardés peuvent être maternel et/ou paternel. C'est là que c'est différent. Chez Cataglyphis hispanica, les gènes paternels sont tout simplement dégagé pour que les ovules ne possèdent que les gènes maternelles. Les ouvrières sont diploïdes classiques (mère/père) et les Reines, après j'imagine parthénogenèse, des reines clonales. Les mâles sont eux haploïdes (de fait de même génotype que les reines). Comme les ovules sont tous les mêmes (enfin si j'ai bien compris), les ouvrières et les mâles possèdent plus de parenté génétique que les ouvrières classiques et les mâles classiques (qui peuvent avoir au choix une partie des gènes du père ou de la mère, le brassage est donc beaucoup plus important).

Même si je suis pas encore bien accoutumé à cette théorie, je pense que c'est à mettre en relation avec la sélection de la parentèle, qui est la base explicative de la vie altruiste des ouvrières asexuées.

Mais pour revenir à nos moutons, cette technique permet de ne transmettre que les gènes de la mère, et pas les gènes du père et de rapprocher génétiquement ouvrière et mâle (frère et sœur donc) de la Reine. Et je pense (là par contre je suis pas du tout sur de moi), DMX pourra dire car je n'ai pas lu l'article en question, que les auteurs doivent penser que cela doit permettre de régler en partie certains conflits reine/ouvrières en ce qui concerne le sex-ratio mâle/femelle voir le choix d'élever les fils des ouvrières plutôt que leur frère.
Dernière modification par Farorn le lun. 1 oct. 2012 21:32, modifié 2 fois.
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

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Cette espèce vit dans le désert, non ? Elle n'a donc que peu d'intérêt à entretenir une grande diversité génétique puisqu'elle vit tout le temps dans le même climat et les mêmes conditions, non ?
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par DMX »

Il me semble qu'on en trouve également en Espagne (c'est chaud mais pas le désert ^^).
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DMX
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Re: Nouveau mode de reproduction : hybridogénèse chez Cataglyphis hispanica.

Message non lu par DMX »

J'ai eu des compléments d'information de la part d'un des myrmécologues ayant participé à cette étude. D'après ce que j'ai compris, on distingue 3 cas :
  • la production des "princesses" par parthénogenèse thélytoque (probablement automictique) = fusion de 2 ovocytes. Les futures reines expriment uniquement le génome maternel.
  • la production des ouvrières par une fécondation "classique" = fusion de 1 ovocyte + 1 spermatozoïde. Les ouvrières expriment pour moitié le génome paternel, et l'autre moitié maternel.
  • la production des "princes" par parthénogenèse arrhénotoque = développement directe d'un ovocyte en individu mâle (pas de fusion, pas de fécondation). Les futurs mâles expriment uniquement le génome maternel.

J'ai tenté un schéma, si vous avez des corrections elles sont les bienvenues :
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