Laissez-moi vous conter l'histoire d'une Dame qui saura, je l'espère, vous émerveiller. Les grands comme les petits ! Tout commença un dimanche d'août...
Les événements qui suivent sont l’œuvre de l'auteur et ne reflètent, sans aucune certitude, que ce qu'il peut en imaginer. Toute ressemblance avec des personnes qui existent ou ayant existé est purement fortuite.
Il fait chaud, les sols sont humides, le vent s'est apaisé. C'est l'heure pour nous toutes de prendre notre envol ! Il parait que les princes seront de la partie eux aussi... J'ai hâte de voir ça ! La princesse auburn, se dirige vers la sortie, poussée par les ouvrières qui ne lui laissent de toutes façons pas le choix.
J'ai donc trouvé cette gyne un soir d'août. Ou plutôt, c'est elle qui m'a trouvée (c'est mon côté romantique qui parle, là). Je n'étais pas un éleveur avant de la trouver, mais ce qui est sûr, c'est que l'idée me trottait dans la tête depuis de nombreuses années ! Comme, j'imagine, nombre d'entre vous sur ce forum, je suis un ancien jeune lecteur de Werber et le monde des fourmis tel qu'il est décrit dans ses livres m'a enthousiasmé. Je n'ai jamais eu le courage de me lancer, mais je parcourais parfois les forums et toutes sortes de sources d'informations sur l'élevage des fourmis, et pour un long moment, ça suffisait.
Et puis, fumant ma cigarette ce soir d'août à ma fenêtre du troisième étage d'un immeuble du Havre, voila que madame se pose devant moi et semble m'inviter à franchir la ligne. Bon, je dis bien "semble m'inviter" parce que j'imagine qu'elle aurait été tout aussi heureuse de se gérer seule ! Mais voila, ni une, ni deux, je l'attrape délicatement et je l'installe dans un tube qui traînait chez moi "au cas où". La Dame y gagnait un toit, un gardien, et un nom, pour y perdre sa liberté. Élisabeth allait donc installer son trône dans une magnifique boite à chaussures !
Voici quelques images faites à l'époque de la capture (avec mon téléphone portable, elles étaient surtout destinées à son identification).
Nous sommes fin août, et Élisabeth et sa progéniture allaient souffrir quelque peu de la naïveté de leur éleveur. En effet, confiant dans les conditions atmosphériques de mon appartement, j'estimais que pour une espèce si facile à élever, les 20°C qu'il fait fréquemment chez moi seraient bien suffisants. D'autant que j'avais lu pas mal de contributions sur le sujet des températures et que nombre d'entre vous arrivent à des résultats comme ça avec les Lasius. Et au mois d'août, ce fut effectivement le cas. Élisabeth, seulement quelques heures ou jours après sa mise en tube pondait déjà sa première génération de sujets. C'est l'été et il fait beau en Normandie. Je me tiens à carreau, je ne la dérange pas et la laisse dans sa boite pendant des semaines.
Seulement, ma région n'est pas réputée pour la stabilité de son climat, surtout que j'habite en bord de mer. Rapidement le temps se dégrade : ce qui est très habituel, et en tant que normand j'y suis habitué. La température dans l'appartement descend en fait très régulièrement en dessous des 19°C mais je ne le remarque même pas ! Conséquence : 3 semaines après la ponte des œufs, j'ouvre délicatement la boite à chaussure royale et ma déception est grande. Toujours des œufs, rien de plus !
Bon. Quelque chose ne va pas, je me remets en question. Premièrement, c'est évident : j'ai mal interprété le terme "espèce facile". Ça ne veut pas dire non plus que tout se fait absolument tout seul. Je m'y prends donc plus sérieusement. A ce moment, je n'ai aucun moyen de savoir ce qu'il se passe je commence donc par la base : acheter un thermomètre que j'installe dans la boite (j'entends les vieux roublards du forum rire dans le fond de la classe, un peu de calme s'il vous plaît) et je me dis que je vais l'observer un peu plus, en tentant de ne pas trop la déranger non plus. J'ouvrirai la boite une fois par semaine pour commencer.
Je constate alors plusieurs choses. Il fait effectivement frais dans cette boite. Rarement plus de 19°C lors du relevé des températures, et des fois moins. Cela dit Élisabeth pond régulièrement mais ses œufs semblent mal tolérer la fraîcheur : elle les abandonne, formant un monticule brunâtre, séché, d’œufs morts qu'elle finit inlassablement par manger.
Les semaines sont passées et on arrive à fin septembre. L'occasion d'allumer le chauffage dans l'appartement de manière anticipée par rapport à mes habitudes. Je déplace la boite près de l'un d'eux et je tente de voir ce qu'il se passe.
La solution apporte une amélioration. Des larves apparaissent et je suis plein d'espoir ! Les températures dans la boite plafonnent à 20°C ce qui me semble limite. Pourtant, j'ai un peu peur de mettre la boite trop près du chauffage et de sécher Élisabeth avec le reste, j'y vais donc prudemment pour la placer sur un bureau proche du chauffage. Trop prudemment apparemment puisque, rebelote, un matin, toute la couvée a disparue et Élisabeth remue ses antennes d'un air coupable mais plein de regrets (oui, enfin, sûrement mon côté romantique encore une fois !).
Novembre approche et je décide d'en rester là pour 2014. Hop, je mets madame au frais une bonne fois pour toutes, une pièce non chauffée où la température ne dépasse pas 15°C, et je lui dis à dans trois mois !
Fin janvier, je me dis qu'il est temps de s'y remettre, et cette fois très sérieusement. Deuxième remise en question : Élisabeth et moi, nous sommes normands. Ce qui fait que nous n'avons pas peur du froid ! Mais, ce qui est vrai pour un organisme comme le mien, peut quand même amener des difficultés pour le sien... Les fourmis de la région doivent passer un paquet de temps en diapause ! Plutôt que de blinder l'appartement en chauffage, ce que ma Dame à moi allait mal tolérer, je me dirigeais vers le magasin animalier du coin pour acheter un chauffage spécifique. Revenant fièrement avec un tapis chauffant sur lequel j'installais la boite de madame (qui n'avait pas cherché à pondre à nouveau) et en compagnie d'un petit peu d'eau sucrée pour la relancer, je me promettais de jeter un œil plus fréquent pour surveiller cette maudite température.
Après avoir un peu tâtonné en mettant des livres entre le tapis et la boite, j'obtiens 25 à 26°C et une Élisabeth qui développe une physiogastrie impressionnante. Il y a des signes qui rassurent...
Quelques semaines plus tard, la machine est lancée et un premier imago voit le jour !
Et ce matin, quatre jours plus tard, un deuxième, tout frais, pas encore tout à fait pigmenté :
EDITION : J'ajoute une vidéo de cette petite nouvelle juste à la sortie de sa nymphe. Toutes agitées, Elisabeth et sa première ouvrière sont très inquiètes de l'arrivée de ce microscope et de son cortège de LEDs... Ou bien, l'ouvrière fait-elle ça pour attirer à elle toute l'attention ?
Désolé Élisabeth d'avoir tant cafouillé, et désolé pour ces œufs qui ont fini dans son estomac (ou ce qu'on peut assimiler comme tel). Et merci à vous d'avoir lu ! Je vous dis à la prochaine fois pour la suite des aventures d’Élisabeth !
Vous devez avoir plein de conseils à me donner devant tant de boulettes et d’inexpérience ! N'hésitez pas, le Q/R est là pour ça !